J'ai appris un peu par hasard hier soir que le concours étudiant du festival de Chaumont était annulé.
Contrairement aux discours menaçants proférés par certains participants, j'ai plutôt tendance à m'en réjouir.
Etienne Hervy, nouveau directeur du Festival, a expliqué dans un mail adressé aux étudiants, les raisons du choix de l'équipe d'annuler la phase finale de sélection des trois gagnants du concours, jugeant les épreuves reçues comme "ne reflétant pas la qualité de réflexion et de création produites dans les écoles".
En somme, sur plus de 1200 affiches reçues, la "majorité" des travaux ne répondaient pas aux attentes du jury, attentes entendues en termes de graphisme bien sur, mais aussi et sans doute, en termes de réflexion globale sur les pratiques de la profession.
Cette heureuse aventure m'inspire deux réflexions.
La première concerne la décision du jury. Au-delà de la déception provoquée par l'annulation d'un tel concours, et qui peut se comprendre pour des étudiants qui en plus de la préparation de leurs diplômes ont du se mettre à plancher sur une affiche jugée par quelques grands noms français, c'est davantage la médiocrité généralisée des productions françaises qui doit inquiéter les acteurs du secteur, étudiants, écoles, professeurs et professionnels, tout le monde est concerné.
Je suis de ceux qui attribue au graphisme des vertus qui dépassent sa fonction marketing. Le graphisme est aussi le reflet culturel d'une société et implique bien au-delà de ceux qui sont producteurs d'images et de sens.
Etienne Hervy et le reste de son équipe ont essayé d'alerter sur la direction qu'emprunte une bonne partie des individus qui sont actuellement formés pour écrire le graphisme de demain. Il est sans doute trop tôt pour évoquer les raisons profondes qui ont poussé la direction du festival a annulé purement cette manifestation, mais on peut aisément supposer que le commercial à de nouveau pris le dessus sur le beau et la réflexion.
Je trouve donc plutôt courageux de leur part de risquer de se mettre à dos une partie de la profession, en restant fidèle à leur jugement, aussi radical qu'il soit.
C'est ce qui m'amène à la deuxième "réflexion" que m'inspire cette drôle d'affaire.
Pour ceux qui ont un compte Facebook, vous aurez bien sur pris le temps comme moi de lire les commentaires et réactions de certains professeurs et étudiants qui ont tenté leur chance pour ce concours d'affiches.
Bien sur, et encore une fois, on peut comprendre la déception engendré par une telle annonce, néanmoins, les réactions de violences primaires sont elles pour autant excusables ?
Ces quelques lignes de pures bêtises témoignent justement de l'évolution du groupe professionnel que forme la communauté des graphistes en France. A travers les commentaires laissés par les étudiants sur la page du Festival, on perçoit une sorte d'entre-soi fait d'auto-célébration et de complaisance, une organisation sous forme de profession en somme.
Aussitôt la nouvelle annoncée, le jury s'est fait copieusement insulter, traiter d'incapables, d'intellectuels parisiens qui ne saisissent pas le graphisme d'aujourd'hui etc etc.
Le groupe étudiant, en tout cas la partie visible dans les commentaires, semble donc incapable de se remettre en cause et d'ouvrir les yeux sur la médiocrité ambiante qui gagne le graphisme et la création visuelle en générale.
Sans parler des affiches reçues pour ce concours, que je n'ai évidemment pas vu, il suffit de se promener dans la rue ou de prendre le métro pour constater l'étendue de cette morosité graphique qui nous habite.
Cher(e)s graphistes, il est urgent de prendre le temps de la réflexion.
Merci au jury du Festival.